Exfoliation – Nanofeuillets hybrides

Au vu de la meilleure compréhension que nous avons acquise sur la chimie d’insertion dans les oxydes lamellaires, nous cherchons actuellement à étendre nos recherches à l’exfoliation de ces objets. Il s’agit ici d’essayer dans un premier temps de jouer sur la fonctionnalisation de l’oxyde lamellaire de départ (bulk) pour en favoriser l’exfoliation en phase liquide (temps d’exfoliation, rendement, qualité des feuillets), et assurer la stabilité en suspension des feuillets obtenus.

Un tour d’horizon sur la bibliographie concernant l’exfoliation en phase liquide permet de dégager deux principales méthodes.

La plus courante et référencée, utilisable pour les oxydes avec des feuillets chargés négativement, consiste en l’échange de cations dans l’espace interlamellaire en utilisant un cation très volumineux.[1–4] Elle s’effectue généralement en milieu aqueux pour un temps de réaction relativement long (de l’ordre d’une dizaine de jours). A notre connaissance elle n’est à ce jour utilisée que sur les phases protonées des oxydes lamellaires et conduit donc à des feuillets « nus ».

La seconde méthode d’exfoliation en phase liquide couramment utilisée dans la littérature est de nature mécanique. Elle s’appuie sur l’application de forces de cisaillement sur les feuillets du matériau de départ pour les séparer.[5,6] Elle est essentiellement utilisée pour des matériaux à feuillets neutres, interagissant par forces de Van der Waals (graphène, TMD…). Dans notre cas, la fonctionnalisation de l’oxyde lamellaire de départ (par des alcools par exemple) permet de diminuer la densité de charges de surface, et de réduire les forces cohésives entre feuillets.

Nous avons donc commencé, avec des résultats très encourageants, à utiliser les forces de cisaillement pour exfolier des oxydes lamellaires, en espérant conserver la fonctionnalisation initiale. Les paramètres essentiels à contrôler dans cette méthode sont le solvant d’exfoliation, le taux de cisaillement (vitesse) et le temps de réaction. Nous avons fait varier ces paramètres pour estimer les meilleures conditions pour obtenir des nano-feuillets en solution. Nous avons montré que cette voie de synthèse permettait effectivement de produire des nanofeuillets d’oxydes. Nous travaillons actuellement sur l’optimisation des conditions de synthèse, et la caractérisation fine des nanofeuillets obtenus (caractéristiques géométriques et chimiques ainsi que comportement en suspension).

Par diffusion dynamique de la lumière à angle multiples, nous accédons au diamètre hydrodynamique des objets et à leur coefficient de diffusion. Cette technique atteste aussi de la stabilité dans le temps des nano-objets fonctionnalisés (collaboration François Schosseler, ICS, Strasbourg).[7]

Exemple de caractérisation par DLS, influence du solvant d’exfoliation et de la fonctionnalisation de l’oxyde de départ (les corrélogrammes ne sont ici pas montrés mais sont indispensables pour attester de la validité de la mesure DLS).

La microscopie électronique en transmission et celle à balayage tunnel confirment l’obtention de nano-feuillets (ainsi que la présence de matériau non-exfolié). La diffraction électronique associée permet d’avoir des informations structurales sur les feuillets hybrides et de les comparer avec le matériau massif de départ.

Images STEM en champ sombre (gauche) et clair (droite) de nanofeuillets obtenus par exfoliation de C12O-HST.

[1]         T. Sasaki, M. Watanabe, J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 4682–4689.

[2]         H. Yuan, D. Dubbink, R. Besselink, J. E. ten Elshof, Angew. Chem. Int. Ed. 2015, 54, 9239–9243.

[3]         R. Uppuluri, A. S. Gupta, A. S. Rosas, T. E. Mallouk, Chem. Soc. Rev. 2018, 47, 2401–2430.

[4]         F. Geng, R. Ma, Y. Ebina, Y. Yamauchi, N. Miyamoto, T. Sasaki, J. Am. Chem. Soc. 2014, 136, 5491–5500.

[5]         J. N. Coleman, M. Lotya, A. O’Neill, S. D. Bergin, P. J. King, U. Khan, K. Young, A. Gaucher, S. De, R. J. Smith, I. V. Shvets, S. K. Arora, G. Stanton, H.-Y. Kim, K. Lee, G. T. Kim, G. S. Duesberg, T. Hallam, J. J. Boland, J. J. Wang, J. F. Donegan, J. C. Grunlan, G. Moriarty, A. Shmeliov, R. J. Nicholls, J. M. Perkins, E. M. Grieveson, K. Theuwissen, D. W. McComb, P. D. Nellist, V. Nicolosi, Science 2011, 331, 568–571.

[6]         K. R. Paton, E. Varrla, C. Backes, R. J. Smith, U. Khan, A. O’Neill, C. Boland, M. Lotya, O. M. Istrate, P. King, T. Higgins, S. Barwich, P. May, P. Puczkarski, I. Ahmed, M. Moebius, H. Pettersson, E. Long, J. Coelho, S. E. O’Brien, E. K. McGuire, B. M. Sanchez, G. S. Duesberg, N. McEvoy, T. J. Pennycook, C. Downing, A. Crossley, V. Nicolosi, J. N. Coleman, Nature Materials 2014, 13, 624–630.

[7]         F. Payet, C. Bouillet, F. Leroux, C. Leuvrey, P. Rabu, F. Schosseler, C. Taviot-Guého, G. Rogez, Journal of Colloid and Interface Science 2022, 607, 621–632.