Des matériaux ioniques luminescents: de la recherche fondamentale à la valorisation
L. Douce
Cristaux liquides ioniques luminescents basés sur l’unité Fluorophore-Imidazolium
L’intérêt scientifique pour les matériaux ioniques (liquides ioniques) est dû à leurs grandes modularités chimiques. Ils ont des propriétés uniques, par exemples, sans tension vapeur, grande stabilité thermique, ininflammabilité, stabilité chimique et radiochimique, conductivité ionique et une large fenêtre électrochimique. De plus en jouant sur la nature de l’anions, il est possible d’ajuster finement les propriétés physiques de ces sels telles que la viscosité, le point de fusion, la polarité… La partie organique cationique affecte le caractère amphipathique et les liaisons/interactions faible qui contrôlent les architectures d’auto-organisation dans l’état mésomorphe et cristallin.
Ces dernières années, nous avons développé une méthodologie de synthèse permettant de préparer ses sels luminescents en seulement trois étapes à base d’imidazolium à l’échelle de la centaine de gramme. Cette approche, nous a permis d’obtenir de sels fluorescents dans des liquides purs, cristaux-liquides et des cristaux avec de hauts rendements quantiques de luminescence de l’ordre 80%.
- del Giudice, N. & al. European Journal of Organic Chemistry 2021. DOI :10.1002/ejoc.202100047 and cover page DOI : 10.1002/ejoc.202100374.
Des matériaux ioniques luminescents vers des applications en biologie
Le squelette du cation organique affecte le caractère amphipathique (équilibre entre deux parties antagonistes : partie aromatique rigide / chaînes alkyles souples) qui contrôle les architectures supramoléculaires. Ces propriétés uniques ont conduit à des applications par exemple en biologie (ciblage et transport de médicaments et de matériels génétiques (transfections d’ARN interférences)).
Des matériaux ioniques luminescents vers des applications pour la détection Neutron/Gamma.
Ces matériaux salins scintillants sont capables de détecter les neutrons quel que soit leurs énergies en les discriminant des rayonnements Gamma. Nous menons de front la valorisation (prématuration-CNRS Luxcifer) de ces matériaux en collaboration avec des industriels pour la détection des rayonnements radioactifs et ainsi remplacer les détecteurs de neutron à helium(3). Un prototype a été testé avec succès en janvier 2021 à la centrale nucléaire de Fessenheim permettant de détecter un bouchon d’oxyde de bore dans son circuit primaire (Co-développé avec IPHC/CENBG et les sociétés Carmelec et EdF).
La deuxième prématuration Noctiferium en collaboration avec l’Institut Néel, permet d’acquérir des compétences dans la cristallogenèse et de mettre en forme ces matériaux afin de faire croitre des monocristaux centimétriques pour développer des dispositifs de type radiamètre et dosimètre à Neutron. Une facette importante de ce travail de recherche consistera à mettre en forme ces matériaux en monocristaux de qualité optique, acquérir et développer les connaissances en cristallogenèse de matériaux organiques. Pour cela, nous avons construit deux dispositifs :
1) la cristallisation des composés ioniques dissous est provoquée par l’abaissement de température de l’ensemble de la solution. La vitesse d’abaissement de température doit ainsi compenser au mieux l’appauvrissement de la solution en composé ionique. Ce réacteur est en fonction et nous permet d’obtenir des monocristaux centimétriques de nos sels luminescents de grandeurs centimétriques
2) Dans cette seconde méthode, la cristallisation est obtenue en faisant circuler la solution entre un réacteur de saturation (généralement plus chaud) et un réacteur de croissance (généralement plus froid). Ceci permet de maintenir hors équilibre la solution dans le réacteur de croissance de façon parfaitement stationnaire et assure ainsi des conditions de cristallisation stables parfaitement définies.